Le monde islamique perd une vraie féministe

Nawal Saadawi, féministe arabe de renom d’Égypte, psychiatre et romancière, dont les écrits ont suscité la colère chez les religieux islamiques, ce qui a mené à son emprisonnement par le président Sadat, est décédée dimanche au Caire de problèmes de santé liés à son âge. Elle avait 89 ans.

Avec son décès, une ère de guerrières des droits des femmes dans le monde islamique se termine. Elle rejoint maintenant Asma Jahangir, du Pakistan, dont le livre « Children of a Lesser God » allait également à l’encontre de la mentalité ultraconservatrice qui tente de dominer et de définir la femme musulmane non seulement dans le monde islamique, mais aussi en Occident.

Ici, en Occident, une élite libérale rongée par un sentiment de culpabilité définit la femme musulmane comme une femme qui s’enveloppe dans l’uniforme prescrit des Frères musulmans et de sa branche sud-asiatique, le Jamaat-e-Islami.

En tant que psychiatre, Saadawi s’est d’abord mise sur le devant de la scène grâce à son livre « Women and Sex », publié en 1972, où elle a traité du sujet tabou de la sexualité des femmes. Cela a entraîné son congédiement de son poste de directrice de la santé publique en Égypte. Elle a également perdu son poste de rédactrice en chef du journal médical, Health, et de secrétaire générale adjointe de l’Association médicale égyptienne.

Alors que les féministes du Canada et des États-Unis ont fait du hijab un symbole du féminisme, la Dr Saadawi le voyait comme une mascarade. Dans un entretien accordé à Women’s eNews en 2004, elle a carrément rejeté la fascination des féministes occidentales pour les musulmanes voilées.

« Il s’agit d’un mouvement politique qui utilise le voile des femmes pour des raisons politiques. Le voile est un symbole politique qui n’a rien à voir avec l’islam. Il n’y a pas un seul verset dans le Coran qui l’exige explicitement. Beaucoup de gens le savent, mais le système d’éducation brouille l’esprit des gens. L’obscurantisme est plus grave. Notre slogan à la Arab Women’s Solidarity Association est Dévoilez votre esprit. »

Aujourd’hui, alors que les femmes musulmanes souffrent du patriarcat dans leurs foyers et dans leur communauté, risquant d’être insultées continuellement de « corrompues » si elles osent rejeter le hijab, la burka ou un mariage arrangé à des hommes beaucoup plus âgés. Leur souffrance est aggravée par les menaces de « meurtre d’honneur » de la part de frères et de pères, quand elles refusent de se marier selon les diktats de ces hommes lâches. Malheureusement, elles n’auront plus Nawal Sadaawi pour les défendre.

En septembre 2020, elle a écrit dans le quotidien égyptien Al-Masri Al-Yawm contre la société patriarcale égyptienne qui, selon elle, ferme les yeux sur les meurtres de femmes pour avoir « souillé l’honneur de la famille » et l’encourage même à le faire. Mme Saadawi a raconté l’histoire d’une jeune fille de 14 ans qui a été mariée contre son gré à un homme de 40 ans et qui a été assassinée par sa famille après avoir tenté d’échapper au mariage.

Elle était toujours prête à assumer ses points de vue courageux. En juillet 2008, au cours d’un entretien accordé à la BBC, Mme Saadawi a décrit l’Université Al-Azhar comme une « force réactionnaire dangereuse » qui empêchait le « renouvellement du discours religieux » dans l’islam.

Elle a dit que toutes les religions ont besoin d’être réformées, car elles ne sont pas « adaptées aux temps modernes » et qu’aucun texte du Coran, du Nouveau Testament ou de la Torah ne peut rester inchangé.

Mme El Saadawi a également ajouté que « si vous lisez le Coran aujourd’hui, vous verrez que de nombreux versets ont été annulés parce qu’ils vont à l’encontre de l’intérêt public », citant les versets du Coran traitant de l’esclavage comme exemple.

Le mois dernier, le musulman indien Wasim Rizvi a adopté des points de vue semblables, mais sa tête a été mise à prix. On ne sait pas où il se trouve.

Peut-être Mme Saadawi a-t-elle dépassé les limites du discours islamique, mais elle n’est plus avec nous et certains pourraient croire qu’elle brûle en enfer comme impie, mais il faudrait mourir pour se joindre à elle pour poursuivre le discours.

Si Dieu existe, je crois qu’il parlerait avec elle du courage qu’il lui a donné et je m’attends à ce qu’elle lui dise « Libérez mes femmes des griffes des hommes que vous avez créés, ô Allah ».

Traduction : Laurence B

Version originale anglaise : ici

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