L’une des raisons pour lesquelles j’évite les rassemblements du vendredi dans les mosquées consiste en une supplication rituelle spécifique qui est éructée par les imams de plusieurs mosquées au Canada et dans le monde, juste avant notre prière communautaire formelle du vendredi, la salat-ul-joumou’a.
Dans cette supplication, l’imam prie Allah, entre autres choses, pour qu’il accorde « aux Musulmans la victoire contre les Qawm al-Kafiroon », le terme arabe qui recoupe tous les non-Musulmans qu’ils soient juifs, hindous, chrétiens, athées, bouddhistes et sikhs, englobés dans une catégorie, les « kouffars » ou « non-Musulmans ».
Cette supplication n’est pourtant pas obligatoire. De ne pas réciter cette prière n’est en rien contraire à la sainteté et à la solennité de la prière communautaire collective.
J’ai eu plusieurs disputes à ce sujet avec mes amis et membres de ma famille musulmans orthodoxes et conservateurs, en insistant notamment sur la nécessité, pour ceux qui vivent au milieu des non-Musulmans, d’au moins ne pas prier pour la défaite des non-Musulmans aux mains des Musulmans.
Ils se disent d’accord avec moi, mais les choses se gâtent lorsqu’il s’agit de demander qui serait assez audacieux pour demander aux mosquées d’agir en conséquence ?
Au lendemain du massacre islamiste au journal français Charlie Hebdo, en janvier 2015, suivi de l’assassinat de Juifs français à l’intérieur d’une épicerie à Paris, je me suis dit : «Assez, c’est assez !»
J’ai donc décidé de demander à mes amis musulmans de relever le défi et de se tenir en silence avec moi devant la mosquée locale avec des affiches proclamant : Je suis Charlie.
Je voulais ainsi encourager les Musulmans qui entraient dans la mosquée de se joindre aux Musulmans qui renoncent au djihad, qui dénoncent la terreur islamiste et qui se portent à la défense de la liberté d’expression, et ce, même quand des gens insultent notre Prophète.
Une poignée seulement de mes coreligionnaires ont répondu à mon appel. La plupart de mes camarades avec qui j’ai combattu l’islamisme tout au long de ma vie étaient terrifiés et se sont décommandés à la dernière minute. Seul le président du Congrès musulman canadien, l’écrivain Munir Pervaiz, et deux exilés kurdes, Keyvan Soltany et Hadi Elis, ont bravé la neige pour venir à mes côtés.
Une fois rendu à l’intérieur de la mosquée, j’espérais que, dans la foulée du massacre du Charlie Hebdo, l’imam aurait le bon sens de ne pas mentionner les non-Musulmans en tant qu’adversaires ou ennemis. Mais mes espoirs se sont vite évanouis.
Loin de condamner les actes terroristes, l’imam, qui s’exprimait en anglais, se mit à hurler que « l’Islam dominera dans ce pays sur toutes les autres religions, mêmes si les « mécréants » (Juifs, Chrétiens, Hindous, Athées, Sikhs, etc.) détestent cela ! ».
Je n’en croyais pas mes oreilles.
Aucune indignation ne fut alors exprimée contre le fait que des Juifs avaient été pris en otages et assassinés par des djihadistes, en France ce matin-là.
L’imam nous a plutôt recommandé, à nous Musulmans, de réagir aux insultes en prenant pour exemple le Prophète Mahomet lui-même. Le problème avec une telle suggestion est que s’il est vrai qu’il y a eu certaines occasions où le Prophète Mahomet a pardonné à ceux qui se moquaient de lui, en d’autres occasions il a ordonné de les tuer.
À la fin de son khutba (sermon), l’imam a répété la prière rituelle demandant à Allah d’accorder aux Musulmans la victoire contre les non-Musulmans. Cette prière dit notamment :
« Ô Allah ! Verse ta patience sur les Musulmans, renforce-les et donne-leur la victoire contre les Qawm -el Kafiroon (tous les non-Musulmans) ! »
« Ô Allah ! accorde la victoire à nos frères les Musulmans, aux opprimés, aux tyrannisés et aux moudjahidines (ceux qui font le djihad contre les non-Musulmans) ! »
Puis nous nous sommes tous levés en rangs bien ordonnés, nous nous sommes tournés vers la Mecque et avons obéi à l’imam tandis qu’il dirigeait la prière qui est obligatoire à tous les Musulmans.
En quittant les lieux, je savais que je ne mettrai plus jamais les pieds dans cette mosquée.
Article dans sa version originale anglaise ici.
Traduction : Laurence B
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